« Mourir de dire : La honte »
« Scham – Im Bann des Schweigens – Wenn Schweigen die Seele vergiftet »
par Boris Cyrulnik, éditions Odile Jacob, 2010
Quand la violence était morale
Le sentiment amoureux dans le mariage, que l’Occident revendique comme une preuve de moralité sexuelle et de respect des individus, a longtemps paru absurde. Les Romains se moquaient de l’homme amoureux qui, alangui auprès de sa belle, était moins disposé au combat. Dans de nombreuses cultures, l’amour conjugal a été considéré comme une obscénité : « Rien n’est plus immonde que d’aimer sa femme comme on aime sa maîtresse. » Dans les cours d’amour provençales au XIIIe siècle, les femmes promulguaient des jugements où elles affirmaient qu’il faut épouser un homme pour son nom ou pour ses biens, mais certainement pas par amour, qui est réservé à l’amant. Dans de tels contextes culturels, avouer qu’on aime sa femme ou son mari nous rendait tellement ridicules que la honte faisait taire. Les seules aventures humaines qui pouvaient rendre un homme fier de son existence étaient celle du Rouge et du Noir, de l’armée et de la foi, de l’épée et de la soutane. Toute relation sentimentale tout amour dans le mariage, rabaissait la dignité et devenait source d’embarras.
Quant à l’érotisme dans le couple, alors là, on se demande ce qu’il serait venu y faire ! Jusqu’au XXe siècle, les femmes acccablées d’enfants, envoyaient leur mari au bordel afin d’avoir un peu de tranquilité. Il m’est arrivé de bavarder avec des dames âgées de plus de quatre-vingt-dix ans qui m’expliquaient aue, lorsque l’orgamse les avait parfois surprises dans les bras de leur mari…, elles avaient eu honte ! « Comme une femme de mauvaise vie, me disaient elles. Une femme vertueuse ne fait ça que par devoir. » C’est incroyable à quel point un récit culturel, une structure sociale peuvent provoquer un sentiment intense de honte ou de fierté, au plus profond de nous.
(Boris Cyrulnik, Mourir de dire : La honte, éditions Odile Jacob, 2010, 260 pages)
Als Gewalt noch eine Tugend war
Liebe in der Ehe, die der Westen als Beweis tugendhafter Sexualität und gegenseitigen Respekts einfordert, schien lange Zeit völlig absurd. Die Römer spotteten über den Verliebten, der, erschöpft neben seiner Liebsten, wenig Lust hatte zu kämpfen. In vielen Kulturen empfand man eheliche Liebe als obszön: „Nichts ist widerwärtiger als die eigene Frau wie die Geliebte zu lieben.“ In ihren Urteilen an den provenzalischen Minnehöfen des 13. Jahrhunderts erklärten die Damen, ein Mann müsse für seinen Namen oder seine Güter geehelicht werden, ganz sicher jedoch nicht aus Liebe, diese sei dem Geliebten vorbehalten. Wer unter derartigen Bedingungen zugab, sdie eigene Frau oder den eigenen Mann zu lieben, machte sich dermaßen lächerlich, dass die Scham ihn schweigen ließ. Rot und schwarz, Schwert und Kutte, waren die einzigen Abenteuer, die einen Mann voller Stolz auf sein Leben blicken ließen. Sentimentale Beziehungen, eine liebevolle Ehe hätten seine Würde verletzt und ihn in tiefste Verlegenheit gebracht.
Und was die Erotik betrifft, so fragt man sich, was sie in der Ehe wohl zu suchen gehabt hätte! Bis ins 20. Jahrhundert schickten die von Kindern umringten Frauen ihre Männer ins Bordell, um endlich Ruhe zu haben. Wenn ich mit älteren Damen spreche, die schon über 90 Jahre alt sind, dann erklären mir einige von ihnen, sie seien gelegentlich in den Armen ihres Ehemanns von einem Orgasmus überrascht worden und hätten sich dafür geschämt. „Wie ein Flittchen“, erklärten sie mir. „Eine ehrbare Frau tut so etwas nur aus Pflichtgefühl.“ Es ist einfach unglaublich, welch intensive Scham oder wie viel Stolz der kulturelle Diskurs, die Gesellschaftsstruktur, in unserem tiefsten Inneren hervorrufen kann.
(Boris Cyrulnik, Scham – Im Bann des Schweigens – Wenn Scham die Seele vergiftet, traduction du français par Andrea Alvermann et Maria Buchwald, Verlag Präsenz Kunst und Buch, 2011, 248 pages)